Elevage intensif

«Les dispositions relatives au bien-être des cochons sont plus qu'insuffisantes.»

Entretien avec Yasmine Wenk, responsable des campagnes relatives aux animaux dits «de rente» au bureau suisse de QUATRE PATTES

8.3.2020

Depuis quand travailles-tu pour QUATRE PATTES et quelle est ta fonction? 

Je travaille depuis 4 ans au sein de l'équipe des campagnes en Suisse, où je suis principalement responsable du secteur des animaux dits «de rente».

La truie Emma a pu être sauvée d'une exploitation d'engraissement. Pourquoi les exploitations d'engraissement conventionnelles sont-elles tellement néfastes pour les cochons ?

Les besoins les plus fondamentaux des animaux sont ignorés dans l'agriculture industrialisée d'aujourd'hui. Du point de vue bien-être animal, le plus grand problème réside dans le fait que le quotidien des animaux soit défini par les exigences dictées par la production. Idéalement, il faudrait plutôt que les conditions d'élevage soient adaptées aux animaux et à leurs besoins. Dans les exploitations d'engraissement intensif, les cochons sont entassés dans un espace confiné et sombre et ils n’ont pas accès au parcours en plein air.  Ainsi, les cochons peuvent difficilement vivre leur comportement naturel - au contraire : des besoins fondamentaux importants - tels que l'hygiène personnelle, le comportement social, exploratoire, de recherche de nourriture et de construction de nids - sont réprimés. Le manque d'espace, le manque de possibilités de faire des exercices en plein air et de s’occuper peuvent entraîner de graves dommages physiques et psychologiques.

Comment les cochons se comportent-ils dans un environnement adapté à leur espèce ?

Les cochons sont des animaux extrêmement réceptifs pour l’apprentissage et très joueurs. Peu de gens le savent mais ils sont aussi intelligents que les chiens. Pour en savoir plus, je vous conseille de lire notre article présentant 10 faits fascinants sur les cochons. Dans des conditions naturelles, ils passent beaucoup de temps à explorer leur environnement. Ils creusent pour trouver de la nourriture jusqu'à 8 heures par jour. Les cochons ont des papilles gustatives bien développées et apprécient les bonnes choses. Ils mangent de l'herbe, des fruits, des noix, des feuilles, des herbes aromatiques, des champignons ou encore des racines.  Contrairement à la croyance populaire, les cochons sont également des animaux très propres ; ils ne déféqueraient jamais volontairement là où ils dorment. Comme ils ne peuvent pas transpirer, ils aiment prendre un bain rafraîchissant dans la boue les jours de grandes chaleurs. La croûte de boue sert également de protection contre les parasites et les coups de soleil. En tant qu'êtres sociaux, ils vivent en grands groupes. 

Yasmine Wenk lors de l'ouverture d'Arosa Terre des Ours

Comment se passe l'élevage de cochons en Suisse ?

La Suisse compte près de 1,5 million de cochons. La réglementation en matière de protection des animaux pour les cochons est plus qu'insuffisante.  Les étables sont conçues de telle façon à produire autant de viande de porc que possible dans les délais les plus brefs - et au coût le plus bas possible. L'espace est très limité. Un cochon de 85 à 110 kg a à disposition une surface totale de seulement 0,9 mètres carrés et il n'a pratiquement pas la possibilité de s’occuper. L'exercice ou le pâturage en plein air n'est pas prescrit par la loi. Il est très rare de voir des cochons en plein air ou dans les prés. Et ce, malgré le fait qu'il y ait environ 1,5 million de cochons en Suisse. La plupart des cochons passent leur courte vie dans des étables fermées. Sur un peu moins d'un mètre carré sans accès au pâturage. Il n'y a pas de place pour fouiner, se vautrer ou jouer, et qui voudrait manger, dormir et vivre sur moins d'un mètre carré ? C'est malheureusement la réalité pour la plupart des cochons suisses. Et ce, malgré le fait qu'il est désormais reconnu que les animaux sont des êtres sensibles.

Que peut faire chacun de nous pour améliorer la situation des cochons en Suisse ?

En opérant des choix au supermarché, vous pouvez influencer la vie des cochons comme Emma. Si la demande de produits fabriqués dans le respect des animaux augmente, la production agricole sera influencée positivement et davantage d'animaux seront élevés dans des systèmes respectueux des animaux.

Nous recommandons le principe des 3R à tous les consommateurs dans leur vie quotidienne. Réduire, raffiner, remplacer. Si l'on prend l'exemple du cochon, cela signifierait de

  • consommer moins de viande (Réduire)
  • donner la préférence aux produits labellisés qui respectent des normes élevées en matière de bien-être animal. Nous recommandons d'acheter du porc bio ou élevé en plein air (Raffiner)
  • remplacer plus souvent les produits d'origine animale par des alternatives savoureuses à base de plantes (Remplacer)

Quelles sont les exigences de QUATRE PATTES  en ce qui concerne les animaux dits «de rente» ?

À l'avenir, les systèmes d'élevage des animaux dits «de rente» doivent être fondamentalement revus et adaptés aux besoins des animaux et non l'inverse. Afin de protéger le bien-être animal dans l'élevage des animaux, cinq exigences fondamentales doivent être respectées :

  1. l'élevage des animaux dits «de rente» rente doit permettre de prendre en considération les besoins, le comportement naturel et la santé physique et mentale des animaux et de les respecter ;
  2. la douleur et la souffrance doivent être évitées ;
  3. les conditions d’élevage doivent être adaptées aux besoins des animaux, notamment en leur offrant plus d'espace, la possibilité de sortir et de s’occuper et de vivre à la lumière du jour ;
  4. le bien-être des animaux doit être prioritaire par rapport à la maximisation des profits - cela implique de renoncer aux races unilatérales à hautes performances ;
  5. des réglementations strictes doivent s'appliquer au transport et à l'abattage, garantissant un traitement des animaux correct jusqu'à leur mort.

Qu’entreprend QUATRE PATTES pour le bien-être des animaux appelés animaux de rente ?

Depuis de nombreuses années QUATRE PATTES œuvre dans le monde entier pour améliorer les conditions de vie des animaux dits dits «de rente». Nous nous efforçons d'informer les gens et de les sensibiliser à faire des choix alimentaires plus respectueux. Nous soutenons également des projets qui encouragent des formes d'élevage alternatives et plus respectueuses des animaux. Par exemple, nous soutenons l'élevage des veaux sous la mère et/ou par des mères nourricières dans l'industrie laitière. Un autre projet que nous soutenons est l'abattage pratiqué directement au sein des fermes ou au pâturage. Nous soutenons les agriculteurs dans leurs efforts pour conserver les bovins à cornes dans des étables extérieures, en toute sécurité tant pour les animaux que pour les êtres humains.  Nous organisons également diverses campagnes pour faire évoluer l'industrie textile et alimentaire vers un plus grand respect du bien-être des animaux. Enfin et surtout, nous nous efforçons de créer un cadre juridique pour garantir que les besoins des animaux passent en premier plan dans l'agriculture. En Suisse, par exemple, nous soutenons l'initiative contre l'élevage industriel.

Quel est l'objet de l'initiative concernant l'élevage intensif?

Sentience Politics a lancé et soumis l'initiative populaire nationale visant à abolir l'élevage industriel. De nombreuses autres organisations de protection des animaux, de défense des droits des animaux et de l'environnement, tout comme QUATRE PATTES, soutiennent les exigences de cette initiative. Parmi les millions d'animaux appelés animaux dits «de rente» élevés et abattus en Suisse chaque année, nombreux sont ceux qui vivent actuellement dans des conditions d'élevage qui ne tiennent pas compte de leurs besoins les plus élémentaires. Le manque d'exercice, le manque de structure et l'élevage pour une performance maximale ne sont que quelques exemples des problèmes de bien-être animal dans l'élevage. Pour ces animaux, il est souvent impossible de vivre selon leurs comportements naturels et besoins fondamentaux. Contrairement à ce que suggèrent les paysages carte postale des Alpes, environ 50 % de tous les bovins d'engraissement passent leur vie sans avoir accès au pâturage.  Les poule d'engraissement sont élevées pour une prise de poids maximale dans les plus brefs délais. A la fin de la période d'engraissement, elles peuvent à peine tenir sur leurs pattes. La forte consommation de produits d'origine animale ne pose pas seulement des problèmes aux animaux utilisés dans l'agriculture. La production d'aliments pour animaux consomme également beaucoup de ressources et pollue l'eau et l'atmosphère. Plus particulièrement, les importantes émissions de gaz à effet de serre de l'industrie animale et le défrichement de vastes zones de forêt sont en partie responsables du changement climatique. En outre, la consommation d'une trop grande quantité d'aliments d'origine animale peut être nocive pour la santé (obésité, résistance aux antibiotiques, etc…)

Ces problèmes peuvent être réduits, voire même évités. Le type d'élevage industriel décrit ci-dessus doit être abandonné. L'objectif doit être une agriculture suisse qui réponde aux besoins fondamentaux des animaux, où le bien-être animal ne soit plus systématiquement violé. En outre, l’importation des produits provenant de telles exploitations doit être interdite. A l'avenir, les systèmes d'élevage des animaux dits «de rente» doivent être fondamentalement revus et adaptés aux besoins des animaux et non l'inverse.

Qu'est-ce qu’un « OUI » comme réponse à cette initiative changerait ?

Si l'initiative contre l'élevage intensif est acceptée, les directives de Bio Suisse pour le bien-être animal seront contraignantes pour toutes les exploitations, ce qui signifie, par exemple, qu'au lieu de 27’000 poules d'engraissement dans un hall, le nombre maximum de poules dans un hall sera réduit à 2'000, max 4’000. En outre, tous les animaux devront avoir accès au pâturage chaque jour, ce qui constituera un changement majeur, en particulier pour les poules et les cochons. En outre, l’importation de produits venant de l'étranger ne répondant pas à cette norme ne serait plus autorisée.

…un dernier mot pour conclure?

Nous devons également traiter les animaux appelés animaux de rente avec respect et compassion. Permettons leur à nouveau de brouter, de sauter, de se vautrer, de gratter et de creuser. Nous voulons faire en sorte que les besoins des animaux passent avant tout autre chose dans une agriculture moderne et durable et améliorer ainsi massivement les conditions de vie de près de 15 millions d'animaux en Suisse.

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