Le sauvetage de NANNA
Un sombre secret tapit dans l’ombre d’Angkor Wat
La plupart des gens connaissent Siem Reap au Cambodge pour les temples à couper le souffle d’Angkor Wat. Chaque année, des millions de touristes affluent en masse dans cette ville historique. Cependant, lorsque nous avons foulé ce même sol, ce n’était pas pour visiter ces impressionnants sites mais pour enquêter sur les sombres secrets qui se cachent dans l’ombre de ces temples historiques : le trafic cruel de viande de chien. À quelques minutes seulement de cette célèbre destination touristique se trouvent de choquantes zones de séquestration où des centaines de chiens sont retenus chaque jour afin d’être vendus à des abattoirs à travers le pays.
Une fois sur place, notre équipe s’est rendue dans les environs de la province de Siem Reap. Après un long voyage parsemé de bosses à travers les routes poussiéreuses, nous sommes arrivés dans un village exclusivement occupé par des attrapeurs de chiens, ou, devrait-on dire, des voleurs de chiens. Une fois descendus du tuk-tuk, nous savions que nous étions au bon endroit, à cause de l’odeur putride des chiens gardés dans des cages surpeuplées. Si jamais la forte odeur d’urine et de chiens mouillés n’était pas suffisante pour nous convaincre, les pleurs et les gémissements des animaux terrifiés nous ont rapidement confirmé que nous étions bel et bien au bon endroit.
Après quelques minutes de marche sur un petit sentier, nous avons trouvé ce que nous cherchions. Des cages rouillées et surélevées, contenant toutes entre 10 et 30 chiens entassés à l’intérieur. Beaucoup de chiens étaient blessés, avec des blessures ouvertes ou des infections de peau. Beaucoup d’entre eux recherchaient désespérément l’attention humaine, signe de leur ancienne vie d’animal de compagnie, avant qu’ils ne soient volés dans le cadre de ce trafic. Parmi eux se trouvait Nanna, un chiot d’environ quatre mois qui se couchait sur le côté à chaque fois que nous passions devant sa cage et étirait ses petites pattes aussi loin qu'elle le pouvait dans l'espace de la cage en poussant des petits gémissements typiques des chiots jusqu’à ce qu’un membre de notre équipe aille la voir et lui prête attention. Beaucoup de léchages s’en sont suivis, tandis que sa queue remuait dans sa cage si déprimante.
Alors que nous demandions autour de nous aux villageois, ceux-ci nous ont indiqué que le propriétaire des chiens était absent. Mais nous avons découvert une fourgonnette convertie en véhicule de transport pour chiens. Cette fourgonnette, à priori innocente, était équipée d’une large cage à l’intérieur, tellement grande qu’elle pouvait contenir entre 80 et 100 chiens, selon leurs tailles. Cette fourgonnette était utilisée pour livrer les chiens vivants aux abattoirs à 5-7 heures de route de là, tous les matins. Nanna devait partir pour la livraison du lendemain matin.
Le but de notre visite dans cette zone de séquestration était simple. Pour nous aider à mettre fin à ce commerce, nous voulions documenter et enquêter sur le trafic de chiens à Siem Reap. Nous avons dû quitter les lieux pour continuer notre enquête mais plus la journée passait et plus nous pensions à ce chiot qui s’était tourné vers nous. Nous pensions tellement à elle que nous devions y retourner. Bien que cela nous ait brisé le cœur pour les autres chiens sur place que nous n'avons pas pu sauver, au moins nous avons pu sauver ce chiot de son destin certain.
Après avoir négocié, nous avons pu récupérer Nanna. Il ne s’en est pas fallu de peu car lorsque nous sommes arrivés, nous avons découvert avec stupéfaction que tous les 80-100 chiens avaient été entassés dans la fourgonnette et nous ne trouvions Nanna nulle part. Heureusement, Nanna avait en fait été placée seule dans une cage et lorsqu’elle nous a vu approcher, son corps ne pouvait presque pas suivre son mouvement de queue. Il était clair qu’elle voulait sortir de là et nous voulions l’emmener avec nous. Après quelques minutes dans le village nous étions de retour dans le tuk-tuk avec un chiot sur nos genoux ! Au début, Nanna était clairement en état de choc et a dû appréhender sa nouvelle liberté, mais à mesure que ses tremblements nerveux s'estompaient et qu'elle léchait de plus en plus ses sauveteurs, nous avons découvert sa vraie personnalité : langue pendante au vent pendant que le tuk-tuk revenait en ville à toute vitesse, sautant, léchant, se roulant, comme n'importe quel chiot. Nanna a commencé à se rétablir au cours du voyage retour de 6 heures à Phnom Penh avec l'équipe, où elle a subi un examen médical complet. Seulement des bonnes nouvelles attendaient Nanna. Le photographe qui travaillait sur notre enquête et qui vit au Cambodge a proposé de l’adopter et de lui donner un foyer aimant et une famille qu’elle n’a jamais eus.
Nanna est chanceuse : notre photographe est follement tombé amoureux d’elle et a décidé de l’adopter. Nanna vit maintenant une vie merveilleuse dans la ville animée de Phnom Penh avec pour compagnie ses deux autres frères et sœurs canins.