Entretien avec Matthias Diener, vétérinaire officiel, sur le commerce de chiots
Matthias Diener, vétérinaire officiel dans le canton de St-Gall, s'est entretenu avec QUATRE PATTES
Dans cette interview, Matthias Diener parle de la souffrance endurée par les chiots encore très jeunes, de ses expériences personnelles et de l'évolution actuelle du commerce de chiots.
QUATRE PATTES: Monsieur Diener, vous êtes vétérinaire officiel dans le canton de St-Gall et, en tant que tel, employé par le service vétérinaire de l’Office pour la protection des consommateurs et des affaires vétérinaires du canton de St. Gall (SG). Le service vétérinaire est actif dans la lutte contre les épidémies, défend la protection des animaux et s'engage pour une cohabitation sereine entre l'homme et le chien. Quand vous appelle-t-on, que fait exactement un vétérinaire officiel par rapport à un vétérinaire «normal»?
Matthias Diener: Un vétérinaire officiel est un vétérinaire chargé par les cantons ou la Confédération de tâches dans le domaine vétérinaire public. Comme vous l'avez déjà mentionné, nous parlons concrètement de protection des animaux, de préservation de la santé animale / de lutte contre les épizooties et d’interventions dans le contrôle des denrées alimentaires. La profession de vétérinaire officiel se distingue avant tout de celle de vétérinaire curatif par le fait que le traitement d'animaux malades n'est pas notre premier domaine d'intervention.
Nous sommes appelés à intervenir en cas d'infraction à la législation sur la protection des animaux et dans le cadre de la prévention ou de la lutte contre les épizooties. Nous intervenons également lors de manifestations impliquant des animaux, d'importations et d'exportations d'animaux et de produits d'origine animale. Les vétérinaires (officiels) exercent également diverses fonctions tout au long de la chaîne alimentaire.
Selon un documentaire de la SRF de 2021, on recense en Suisse, plus précisément dans le seul canton de SG, environ 1 à 2 cas par semaine d'importation de chiots en provenance de pays de l'UE à l'est de l'Europe. Des chiots qui sont souvent achetés sur Internet par un simple clic de souris. Quelle est la situation actuelle? Ces chiffres ont-ils changé?
Il faut faire la différence entre les importations privées et commerciales, ainsi que les importations correctes et incorrectes, soit illégales. En 2022, selon la base de données européenne IMSOC / TRACES, 186 importations commerciales d'un ou plusieurs animaux de compagnie ont été effectuées dans le canton de SG. En règle générale, il s'agit surtout de chiens et de quelques chats.
Le nombre de cas d'importation illégale d'animaux de compagnie traités par nos soins a diminué l'année dernière, passant de 115 à 75. Concrètement, il s'agissait de 65 chiens et 14 chats, soit au total de 79 animaux.
Que doit-il se «passer» exactement lors d'un transport de chiots pour que l’on vous demande d’intervenir?
Nous sommes appelés lorsque le contrôle d'un tel transport présente des irrégularités dans les documents ou que le transport pose problème en termes de protection des animaux. La plupart du temps, nous sommes avertis par la douane, plus rarement par la police. Les irrégularités sont par exemple des passeports ou des documents sanitaires inexistants, falsifiés ou manipulés.
Comment «reconnaissez-vous» personnellement - après d'innombrables cas de ce genre - qu'il s'agit de ce que l'on appelle la «mafia des chiots»?
Certains «trafiquants» nous sont connus depuis des années, pour d'autres, le mode opératoire permet de le déduire. Lors du contrôle des documents, on remarque souvent que les expéditeurs ou les destinations sont toujours les mêmes.
En tant que vétérinaire officiel, constatez-vous des «tendances» parmi les chiots en matière de santé (ou de maladies), d'origine ou de prix de ces chiens? Certaines choses ressortent-elles particulièrement? Les chiens sont souvent presque considérés comme des produits de Livestyle - des couleurs comme bleu merle sont commandées, etc.
Comme nous ne connaissons souvent pas exactement les races de prédilection dans les importations commerciales (car la race ne doit pas être indiquée sur les certificats), je ne peux pas vraiment répondre à cette question. En ce qui concerne les importations illégales, on note une tendance pour les chiens de petite taille et les chiens avec des couleurs de pelage ou d'yeux spéciales.
Dans les autres pays européens, les chiots doivent en règle générale être âgés d'au moins 15 semaines pour l'importation. La Suisse l'autorise à partir de 8 semaines. Les marchands de chiots profitent manifestement de cette situation pour transporter des chiots beaucoup trop jeunes en Suisse. La conseillère nationale PS Martina Munz a donc demandé au Conseil fédéral si la Suisse allait adopter la règle des 15 semaines. De même, une motion qu'elle a déposée le 12.12.22 a été acceptée, demandant à la Confédération et aux cantons de renforcer la lutte contre le commerce cruel des chiots. Le Parlement exige des règles contraignantes pour garantir l'échange de données et d'informations avec les autorités étrangères. Les choses sont donc en train de bouger. Ces nouvelles situations sont-elles prometteuses?
Personnellement, je suis très heureux que les choses bougent enfin en ce qui concerne le commerce des chiots. Reste à voir si et comment cette évolution aura des conséquences sur la législation et l'application de la loi à l'avenir. Mais j'en attends beaucoup.
Le commerce illégal de chiots existe, mais de nombreuses personnes semblent encore l'ignorer. À qui incombe la responsabilité? Au «reproducteur»? À l'acheteur? Jusqu'à présent, la Confédération a misé sur la responsabilité individuelle des «consommateurs».
C'est un fait: quand on va chercher un chien à l'étranger et qu'on lui fait passer la frontière, on est soi-même responsable. Or, ces chiens ont parfois des passeports falsifiés, ce qui pose un problème pour l'importation mais aussi pour le chien et l'«acheteur final». Essayez d’expliquer ceci…. Et qui est responsable ici, faut-il (encore) plus d'informations pour le consommateur? Ou faudrait-il - malgré l'ignorance - punir encore plus sévèrement les acheteurs de tels chiens?
C'est l'acheteur qui est responsable. Il doit s'informer avant d'acheter un chien. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et diverses organisations de protection des animaux proposent d'innombrables aides. Ces documents sont disponibles à tout moment sur Internet.
Je n’arrive pas à comprendre pourquoi certaines personnes se posent d'innombrables questions lors de l'achat d'un écran ou d'un téléphone portable, surfent sur Internet et demandent conseil à des collègues, mais se contentent de «googler» rapidement et de mettre un chiot dans leur panier quand ils décident d’acheter un chien. Il serait souhaitable que le législateur responsabilise davantage les acheteurs. Comme les éleveurs ont leur siège à l'étranger, il est difficile de faire pression sur eux.
Les chiots tombent souvent malades pendant le transport - mot-clé: parvovirose. Les chiots se contaminent au cours du voyage. Des chiens provenant de pays où sévit la rage arrivent également en Suisse. Quelle est la procédure exacte dans ce cas?
Le vétérinaire officiel a-t-il la possibilité d'envoyer en quarantaine les chiens en provenance de pays où sévit la rage? Il arrive souvent que les chiens doivent être euthanasiés. Selon le documentaire de la SRF, le nombre de chiens euthanasiés a doublé de 2020 à 2021. Cette augmentation est-elle aussi ou surtout due au commerce de chiots?
Les chiots qui, à l'âge de 8-10 semaines, sont soumis à un grand stress, comme par exemple un voyage de plusieurs centaines de kilomètres jusqu'en Suisse, courent le risque de contracter des maladies diarrhéiques ou pulmonaires en raison de leur état d'immunité. Il y a malheureusement aussi régulièrement des cas de décès.
Comme on le sait, la rage est une maladie qui peut toucher l'homme et diverses espèces animales. Après l'apparition des premiers symptômes, elle est mortelle. Nous devons donc tout mettre en œuvre pour que cette maladie, qui a été éradiquée en Suisse, ne réapparaisse pas. Il n'est toutefois pas impossible d'importer en Suisse des chiens provenant de pays où la rage est présente. Selon le pays d'origine et le risque de rage, des directives très restrictives sont appliquées. Si les conditions ne sont pas remplies à l'entrée, les animaux peuvent être placés en quarantaine ou, dans les cas extrêmes, euthanasiés, afin de protéger la population suisse et tous les animaux sensibles. La situation due au coronavirus ces deux dernières années a entraîné un boom de demandes de chiens, demandes qui n'ont pas pu être compensées par l'élevage canin national. D’où une augmentation des importations et, par conséquent, des incertitudes concernant la rage.
Pouvez-vous nous dire combien de chiots ont été euthanasiés dans le canton de Saint-Gall en 2021 et 2022 en raison de l'absence de vaccination contre la rage?
Les chiens ne sont pas euthanasiés simplement parce qu'ils n'ont pas été vaccinés contre la rage. Une évaluation des risques est toujours effectuée en premier lieu. À l'issue de cette évaluation, il est décidé de la marche à suivre. En 2021, 5 chiots ont été euthanasiés sur ordre du service vétérinaire du canton de SG. En 2022, nous n'avons heureusement pas dû recourir à cette mesure.
Pouvez-vous nous faire part d'un événement personnel qui vous a particulièrement marqué?
Il ne s'agit pas d'une expérience personnelle isolée, mais d'une constatation générale. Nous avons la chance de pouvoir travailler avec divers refuges pour animaux qui nous soutiennent activement. Il est toujours agréable de voir à quel point les responsables et les collaborateurs mettent du cœur à l'ouvrage dans ces cas. Lorsque, grâce à cet engagement, un chiot peut être remis à ses propriétaires d'origine ou à de nouveaux propriétaires après son séjour au refuge ou en quarantaine, cela me fait toujours très plaisir.
Un grand merci à M. Diener pour cette interview détaillée et cet aperçu de son quotidien.