Adoption dans un refuge: défis, préjugés et responsabilité des nouveaux propriétaires
Entretien avec Nadja Brodmann et Rommy Los du refuge «Zürcher Tierschutz» sur le thème de l’adoption
Quelles sont les raisons les plus fréquentes pour lesquelles un animal est abandonné au refuge?
Les arguments avancés les plus fréquents sont par exemple un déménagement ou un nouveau travail, l’agrandissement de la famille ou encore des allergies. Mais dans de nombreux cas, les propriétaires sont tout simplement dépassés par l’animal, comme avec un chien qui ne peut pas rester seul ou un chat qui n’arrête pas de marquer dans l’appartement. La perte d’intérêt peut aussi être une raison d’abandon, mais personne ne l’admet volontiers. Le manque de temps pour les animaux qui ont besoin d’une attention constante peut également conduire à l’abandon. Sans oublier le décès des propriétaires ou des incompatibilités entre animaux domestiques.
Les animaux de refuge sont-ils «abîmés», sont-ils considérés comme des «exemplaires défectueux»?
Non, un refuge pour animaux reflète à bien des égards les animaux de la société. Des chiens ou chats qui vivaient hier encore dans le voisinage peuvent se retrouver le lendemain dans un refuge. Bien entendu, certains animaux sont abandonnés parce que leur comportement est problématique, mais la plupart d’entre eux arrivent chez nous pour des raisons totalement différentes. Nous recueillons parfois des animaux se trouvant dans un état particulièrement négligé, comme un pelage emmêlé, des inflammations des gencives, voire mal nourris. Ils reçoivent d’abord tous les soins nécessaires avant d’être proposés à l’adoption.
À quoi ressemble une journée normale dans la vie d’un chien de refuge?
Pour commencer, les chiens sont laissés en liberté dans l’une de nos prairies ou peuvent aller dans la forêt voisine avec nos promeneurs de chiens bénévoles. Pendant ce temps, les boxes sont nettoyés et la nourriture préparée. Dès que les chiens sont de retour, ils sont nourris et soignés, et si nécessaire, ils reçoivent des médicaments ou font des entraînements. À midi, nous veillons à ce qu’ils se reposent suffisamment avant de pouvoir sortir à nouveau dans la forêt ou en promenade l’après-midi.
Combien de temps en moyenne un chien reste-t-il au refuge jusqu’à ce qu’il soit placé avec succès?
Le délai est très variable. Les chiens sans problèmes de comportement et de races faciles à vivre peuvent être adoptés dans un délai d’un à deux mois. Mais certains chiens doivent attendre plus d’un an avant de trouver un nouveau foyer. Il s’agit souvent de chiens ayant un comportement difficile ou appartenant à une race qui n’est pas aisée à placer en milieu urbain.
En quoi les chiens «post COVID» (c’est-à-dire les chiens acquis pendant la période COVID-19 et abandonnés ensuite au refuge) se distinguent-ils des chiens «normaux» en termes de détention et de placement?
Nous avons constaté que beaucoup de ces «chiens COVID» présentent des problèmes de comportement ou ont été mal socialisés. Cela s’explique sans doute d’une part par le fait qu’aucun cours canin n’a pu être suivi pendant la période du coronavirus. D’autre part, le contact avec d’autres personnes et donc avec d’autres chiens était très limité. En conséquence, beaucoup de ces chiens ont besoin d’un entraînement intensif et il faut souvent plus de temps avant de pouvoir les placer. Pour les quadrupèdes très difficiles, nous devons chercher des personnes ayant une grande expérience des chiens.
Peut-on parler d’une augmentation des saisies d’animaux par les autorités vétérinaires/douanières?
Seules les autorités vétérinaires peuvent répondre à la question de l’évolution du nombre de saisies par l’Office vétérinaire. Car les animaux qui nous sont envoyés par l’Office vétérinaire ne représentent qu’une petite partie du nombre total de saisies.
Existe-t-il des chiens «impossibles à placer»? Si oui, que deviennent-ils?
Nous avons dans certains cas des chiens «impossibles à placer». Cela peut être dû à des raisons médicales ou encore à des raisons comportementales. Dans les deux cas, nous venons à leur secours. Heureusement, cela n’arrive que très rarement. Auparavant, nous utilisons tous les moyens possibles via notre réseau pour trouver une solution. Il peut aussi s’agir d’un transfert dans un autre refuge.
Du point de vue de nombreuses personnes souhaitant adopter, le processus de placement exigé par les refuges ou les conditions et obligations qui y sont liées semblent souvent beaucoup trop strictes.
À l’étranger, de nombreux refuges pour animaux sont surpeuplés toute l’année. Ce qui fait que chaque animal pouvant être placé est un soulagement, quel que soit l’endroit. Le temps nécessaire pour régler toutes les questions relatives au nouveau foyer fait alors défaut.
En Suisse, la situation n’est pas aussi dramatique. Nous ne sommes donc pas sous pression pour placer les animaux le plus rapidement possible. Notre objectif est plutôt de faire en sorte que chaque animal trouve une place pour la vie - qu’il soit placé pour la dernière fois de sa vie et qu’il n’atterrisse pas à nouveau dans un refuge quelconque après un certain temps. Nous accordons donc une grande importance à trouver des personnes qui répondent au mieux aux besoins de l’animal. Dans le cas des chiens en particulier, la relation entre l’homme et l’animal doit également être harmonieuse.
De même, on entend souvent l’argument de certaines personnes intéressées: «On devrait tout de même être content quand un animal trouve un bon foyer. Pourquoi payer encore des frais de placement élevés?» Comment se composent les frais de placement et couvrent-ils tous les frais que le chien a déjà occasionnés au refuge?
Nos entrées provenant des frais de remise et de placement ne couvrent même pas les frais médicaux, mais au mieux 10% des frais totaux d’un refuge.
Quelles sont les «tâches préparatoires» que les personnes désireuses d’adopter devraient effectuer avant de postuler concrètement pour un animal chez vous? Qu’est-ce qui doit être clarifié avant de prendre contact avec vous?
Les personnes désireuses d’adopter un animal doivent se demander si elles sont prêtes à assumer la responsabilité d’un être vivant. Pour pouvoir en juger, elles doivent s’informer au préalable sur la durée de vie de l’espèce souhaitée, sur ses besoins quotidiens, sur les coûts à prévoir et sur le temps nécessaire. Et cela non seulement pour les prochaines semaines, où tout est encore nouveau et passionnant, mais aussi pour toute la durée de vie de l’animal, y compris pendant les vacances ou en cas de maladie. Celui qui a bien réfléchi à tout cela et qui arrive à la conclusion qu’il remplit les exigences et qu’il possède les connaissances nécessaires est bien préparé à l’adoption d’un animal.
Rommy Los et Nadja Brodmann